Voyage en Isan, première partie

En territoire khmer, de Chaiyaphum à Sisaket

Après avoir parcouru plus de 20 000 kilomètres en scooter et visité 47 provinces, de Bangkok à Chiang Mai en passant par Ratchaburi, Sa Kaeo, Nakhon Sawan ou Phayao, visiter l’Isan sera la dernière grande étape du périple.

Au programme, deux mois de visites prévues, qui se transformeront en quatre mois sur les routes à travers vingt provinces, afin de visiter plus de 350 temples dans cette vaste région du nord-est de la Thaïlande nommée Isan, l’équivalent du tiers de la France métropolitaine.

Voyageant en scooter, l’équipement est forcément réduit au strict minimum : une paire de sandales au pied, un sac dans le dos pour l’appareil photo, l’ordinateur, les câbles et papiers essentiels, le tout pesant sept kilos, et un second sac, à compresser chaque jour sous le siège du deux-roues, contenant un pantalon de rechange, trois chemises, et une trousse de toilettes complétée d’aspirine et de pansements.

Départ de Buriram

Après une escapade à Maha Sarakham quelques mois auparavant, le départ de cette exploration de l’Isan débute à Buriram, par la location d’un deux-roues qui me conduira dans les provinces alentours, respectivement Chaiyaphum, Nakhon Ratchasima (Khorat), Surin et Sisaket.

Le premier jour, je prends la direction de Satuek (สตึก), au nord de la province. Lors du deuxième monastère à mon programme, le spectaculaire Wat Ko Kaeo Tudong Satan (วัดเกาะแก้วธุดงคสถาน), je rencontre un jeune Franco-suisse comme moi, le seul francophone rencontré en quatre mois (si tu nous lis ?).

La discussion courtoise m’apprend qu’il est en vacances chez sa belle-famille et qu’il travaille, entre autres, au Fort l’Écluse, le château-fort près du village dans lequel j’ai passé ma jeunesse, là où le Rhône délimite l’Ain de la Haute-Savoie, séparant en deux le massif jurassien.

Leaz

Le Rhône se faufilant dans le massif jurassien à Léaz

Une nuit à Phutthaisong

Après une belle première journée et plus de 150 kilomètres parcourus, je fais mon arrivée sourire aux lèvres à Phutthaisong (พุทไธสง), une bourgade entourée par des douves, stigmates de l’histoire millénaire des lieux.

Phutthaisong est un charmant village qui mérite le détour, avec ses maisons en bois et ses quelques temples intéressants, dont le Wat Hong et son bouddha au regard appuyé.

Wat Hong Phutthaisong

bouddha sacré du Wat Hong

La zone comptant cependant très peu d’hôtels, j’atterris dans un motel glauque, éloigné des habitations, et si sale que la nuit fut courte, sans douche au programme et habillé pour la nuit de mon pantalon de rechange que je m’empresserais de laver le lendemain. La découverte de l’Isan commençait bien, par le pire hôtel des quatre mois à venir mais, heureusement, ça je l’ignorais encore!

Dès l’aube, je poursuis mon voyage vers l’extrême nord de la province de Buriram, visitant quelques Sim colorés, avant de rejoindre Chaiyaphum, traversant au passage le nord de la province de Khorat, faisant halte au Prasat Nang Ram (ปราสาทนางรำ), un vestige khmer inondé ce jour-là.

Prasat Nang Ram

Le Prasat Nang Ram inondé

Chaiyaphum et ses collines

Chaiyaphum est une ville tranquille, calme dès la nuit tombée, aux édifices modernes et ternes à l’instar de la majorité des villes moyennes thaïlandaises. Une exception toutefois, son vestige khmer, principale curiosité de la ville, le Prang Ku (ปรางค์กู่).

Prang Ku Chaiyaphum

Le Prang Ku, à Chaiyaphum

La province de Chaiyaphum en tant que telle est immense. C’est surtout l’une des plus vallonnées en Isan, notamment dans sa partie ouest ou les monts de Phetchabun, prolongés au sud-ouest par les montagnes de Dong Phaya Yen, délimitent le plateau de Khorat.

Dans ces excroissances de la nature, la végétation a été préservée sur les monts. Les villages sont peu nombreux, les voitures et camions se font rare, c’est donc un plaisir à parcourir en deux-roues, qui plus est car le tourisme est inexistant et les locaux étonnés d’apercevoir un farang vadrouillant mystérieusement dans la campagne profonde.

Province de Chaiyaphum

Panorama depuis un mont de la province de Chaiyaphum

Vision insolite à Chaiyaphum : l’université Rajabhat. Elle est implantée au milieu de nulle part à vingt kilomètres au nord de la ville. J’y déjeune incognito au milieu d’étudiants pressés.

J’ai d’abord observé au loin cette université depuis le Wat Sa Hong (วัดสระหงษ์), l’un des temples majeurs de la province, niché au milieu de rochers biscornus dont se dégage une atmosphère mystique se retrouvant dans plusieurs lieux de cultes des environs.

Wat Sa Hong

L’Université Rajabhat observé depuis le Wat Sa Hong

Après avoir séjourné quelques jours à Chaiyaphum, direction le sud, vers le nord de la province de Khorat, une région de plaine peu fertile et aux faux-airs de far-ouest quand la pluie s’absente trop longtemps, offrant une platitude autant géographique qu’humaine.

Le Wat Ban Rai en approche

Le long de la route, il n’y pas grand-chose à voir, si ce n’est quelques villages désœuvrés dans l’immensité, ce qui explique sans doute le dévouement du moine Luang Po Khun (หลวงพ่อคูณ) pour développer son monastère, le fabuleux Wat Ban Rai (วัดบ้านไร่).

Au détour d’une courbe, tel un mirage, apparaît le Viharn prenant la forme d’un éléphant.

Wat Ban Rai

Le Wat Ban Rai

Au loin, on ne distingue que la silhouette du pachyderme. De près, le spectacle étonne davantage encore grâce aux incroyables mosaïques extérieures et aux fresques monumentales à l’intérieur, réalisées par une multitude d’artistes parmi les plus renommés du royaume.

Wat Ban Rai

L’une des fresques monumentales

Sans ce temple devenu célèbre dans tout le pays, personne ne prendrait la peine de parcourir ces contrées oubliées du développement économique. Aujourd’hui, grâce au marché attenant et à l’afflux de visiteur, ce monastère a le mérite de faire vivre un village entier.

Khorat, le centre économique

A l’opposé de la zone semi-désertique au nord de la province, la ville de Khorat concentre la population. C’est une agglomération intense qui s’industrialise et se développe de manière impressionnante, à l’image de ses trois centre-commerciaux ultramodernes, dont une branche du Terminal 21, encore plus grande que celle de Bangkok mais presque sans visiteurs, à l’image du restaurant que je m’offre ce jour-là. Je suis ainsi l’unique client mais j’ai le privilège de déguster des mets vietnamiens dans un restaurant qui porte mon prénom : Loris.

Ce dynamisme économique attire beaucoup de monde sur la route et la présence des innombrables nids de poules et véhicules, camions en tête, s’en fait ressentir. Pour l’exprimer poliment, les alentours de Khorat ne sont pas les plus agréables à parcourir en scooter.

Pourtant, que cela ne vous freine pas, les temples de la province sont passionnants à explorer, des vestiges khmers de Phimai, aux monastères historiques de la vieille-ville de Khorat, jusqu’aux temples modernes et extravagants près de Khao Yai.

Wat Bung Khorat

Temple historique à Khorat, le Wat Bung

Wat Tham Sap Muet

Stupa du Wat Tham Sap Muet

Khao Yai, au nord de la célèbre réserve naturelle du même nom, est un haut-lieu du tourisme prisé par la classe moyenne thaïlandaise, là où le kitsch des reproductions d’édifices européens et les hôtels exubérants côtoient des fermes biologiques avant-gardistes.

En raison du vallonnement de cette région au sud de Khorat, les villages sont moins nombreux. Les rizières laissent alors place à des cultures intensives, parfois accompagnées par des publicités ventant le fameux herbicide Roundup.

Province de Nakhon Ratchasima

Point de vue en direction du Parc national de Khao Yai

Wat Pa Pu Hai Long

Panorama depuis le Wat Pa Pu Hai Long

Buriram la khmère

Arrivant par le sud-est de la province de Khorat, je fais mon retour dans la province de Buriram par sa partie sud où les vestiges khmers sont les principales attractions.

Il y a les plus connus, le Prasat Hin Phanom Rung (ปราสาทหินพนมรุ้ง) et le Prasat Muang Tam (ปราสาทเมืองต่ำ), mais aussi les discrets, dispersés aux détours d’un village ou d’un étang, et où les locaux, contrairement aux grands centres touristiques protégés sous l’égide de l’UNESCO, utilisent toujours les lieux comme sanctuaire religieux.

Prasat Khok Ngiu

Un vestige khmer isolé en pleine campagne

Prasat Hin Phanom Rung

Allée vers le Prasat Hin Phanom Rung

La province de Buriram est essentiellement rurale mais la capitale provinciale a bénéficié dans les deux dernières décennies du dynamisme et de l’ambition de son baron de la politique locale : Newin Chidchob

Grâce à son impulsion, l’agglomération compte un stade de football déjà mythique, un Castle imitant un temple khmer, un parc érotico-spirituel dont on imagine mal l’équivalent à Bangkok, un circuit international et de nombreux hôtels, des plus sommaires aux plus luxueux.

Buriram Castle

Le Castle de Buriram, une réplique d’un temple khmer

Buriram offre un séjour agréable, surtout si le ballon rond ou les sports automobiles sont votre dada. Ajoutez l’atmosphère guillerette et un volcan éteint à la périphérie sud de la ville, il n’y a toutefois pas grand-chose d’autres à évoquer.

Une influence khmère omniprésente

Avec Buriram, Surin et Sisaket sont les trois provinces où l’influence khmère est la mieux perceptible en Thaïlande, au niveau des vestiges khmer, mais avant tout dans la culture des habitants et leur langue au quotidien.

Ces trois provinces sont délimitées au sud par les monts Dângrêk, là ou l’Empire Khmer a autrefois érigé des lieux de culte dissimulés dans la jungle.

Parmi ces temples khmers, le plus connu est le Preah Vihear, au sud de la province de Sisaket, mais inaccessible depuis la Thaïlande.

D’autres vestiges subsistent et sont toujours l’objet d’un contentieux entre la Thaïlande et le Cambodge, les dernières confrontations militaires aux débuts des années 2010 ayant malheureusement semé la mort des deux côtés.

Province de Surin

Vue sur la jungle du Cambodge depuis le sud de la province de Surin

De Preah Vihear, en remontant au nord, vers la capitale provinciale Sisaket, les plaines rizicoles reprennent leur droit.

Il faut le dire, au risque de surprendre, c’est dans cette région que j’ai admiré les plus belles rizières de Thaïlande, dans ses plaines sans fin où les rizières côtoient d’immenses arbres isolés ayant échappés au déboisage intensif des décennies passées.

Province de Sisaket

Exemple typique de rizières à Sisaket

Il y a encore quelques décennies, la région Isan possédait encore d’épaisses forêts ayant laissé place aux rizières afin d’exporter l’or blanc et nourrir la population du pays qui n’a cessé d’augmenter au cours du XXe siècle, passant d’environ 10 millions d’habitants à 60 millions.

Sisaket et ses sourires

Dans la province de Sisaket, les rizières sont aussi nombreuses et belles que les sourires des habitants.

Les rencontres les plus douces et agréables en Thaïlande, je les dois à la province de Sisaket, dans les villages où, paradoxalement, et au risque de renforcer certains clichés, la pauvreté relative des villages côtoie une joie de vivre et des traditions qui semblent à toute épreuve.

Sisaket, c’est Buriram mais sans le succès rencontré par cette dernière, y compris en matière de football où l’agglomération compte une équipe en première division.

La ville est moderne et animée mais similaire à d’autres en Thaïlande. Néanmoins, j’ai passé trois jours formidables grâce aux sourires contagieux des locaux. Sisaket, je reviendrai !

วัดพระธาตุเรืองรอง

Au nord de Sisaket, le Phrathat Ruang Rong

Un dernier crochet par Surin

Avant le retour à Buriram pour ramener mon bolide, je prends la direction de Surin et ses temples, essentiellement ses vestiges, dont certains remontent aux balbutiements de la civilisation khmère, à l’image du Prasat Phum Phon (ปราสาทภูมิโปน), édifié plusieurs siècles avant les splendeurs d’Angkor !

ปราสาทภูมิโปน

Le Prasat Phum Phon, édifié il y a environ 1200 ans

La région englobant les trois provinces de Surin, Buriram et Sisaket est extrêmement peu visitée et c’est bien dommage car elle recèle de trésors. Les vestiges de l’Empire khmer pour l’attrait touristique et historique, et l’amabilité mélangée à la bonne humeur des habitants pour apprécier le voyage en toute circonstance.

Revenu à Buriram après trois semaines intenses sur les routes, je rends mon deux-roues au propriétaire pour me diriger en bus vers Khon Kaen, point de départ d’une nouvelle étape au cœur de cette région attachante qu’est l’Isan.

Temples à découvrir

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